Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/381

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d’écrire. Tout cela ne m’empêcha pas de me bien divertir en Italie, tant c’est belle chose que jeunesse ; à la vérité, j’avois quelquefois de mauvaises heures. La veuve m’écrivit par la voie du petit Guénault, son médecin, qui fit adresser la lettre à Quillet, à Rome. Il n’y avoit rien de particulier. Je lui répondis, et n’en reçus jamais qu’une seule lettre.

De retour en France, nous voilà encore logés à Lyon chez la belle. Je voulois familièrement qu’elle me laissât monter dans sa chambre par une échelle de corde, et je lui proposai de l’aller trouver l’été à la campagne, où elle devoit demeurer trois mois. Elle me dit qu’il y avoit trop de péril à tout cela. Je reçus de ses lettres à Paris pendant quelque temps : elle écrivoit bien ; puis tout-à-coup elle cessa de m’écrire. Je n’ai jamais pu savoir pourquoi, car elle mourut bientôt après.

Revenons à la veuve. Je croyois qu’elle me recevroit avec la plus grande joie du monde : mais je fus bien attrapé quand elle me rebuta plus que jamais, et me reprocha la peine où je l’avois mise,. Cette peine venoit de ce que, s’étant saisie, à mon départ, ou depuis, en songeant à ce qu’elle venoit de faire pour moi, ce que vous savez s’arrêta aussitôt. Quoique je ne l’eusse pas mise en danger de devenir grosse, elle crut pourtant l’être et se découvrit au jeune Guénault, afin d’y remédier de bonne heure ; ce fut dans cette inquiétude qu’elle m’écrivit.

Je la blâmai fort de s’être effrayée si à la légère, et d’avoir tout dit à un tiers. « Hé ! pourquoi ? me répondit-elle ; il sait bien que c’est à bonne intention, et je lui ai dit que vous m’aviez promis de m’épouser. » Je crois, mais je ne l’assurerois pas, qu’en badinant, ou peut-être dans l’action même, elle pourroit bien m’avoir dit : « N’es-tu pas mon mari` ? » et que lui ayant répondu : « Oui, oui, » elle pourroit avoir pris cela pour argent comptant. Nous voilà brouillés. L’abbé, bien loin de profiter de mon absence, l’avoit trouvée plus chagrine que jamais. Le crucifix prit ce temps-là pour lui donner un coup de pied, et depuis il ne fut amoureux que de la vierge Marie. La pauvre Lyonnoise mourut durant notre divorce, et la veuve qui passoit