Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/387

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La vision qu’elle eut de sa sœur, avec laquelle elle logeoit, vint de ce que cette femme eut un mal de mère si furieux qu’elle parla un langage articulé que personne n’entendoit et elle vouloit que cela vint de ce que je lui avois brouillé la cervelle. Je ne savois plus où j’en étois ; je ne voulois pas pourtant jeter le manche après la cognée, parce que j’avois dessein de faire durer cela jusqu’à ce que je pusse me déclarer pour la petite Rambouillet que j’ai épousée. Elle me fit une proposition : « Mettez, disoit-elle, ma conscience en repos. — Eh bien ! voulez-vous que je vous épouse ? — Non. — Que voulez-vous donc  ? — Trouvez quelque invention. » Et après, elle me disoit : « Mais n’est-ce-pas assez que vous m’ayez cinq ans durant violée ? » Elle appeloit cela violer, parce qu’elle faisoit d’abord quelque résistance ; puis changeant tout-à-coup de discours : « Ah ! si j’étois assurée que vous m’aimassiez bien, je ne m’en soucierois pas ; mais vous avez honte de m’aimer. » Et alors elle me vouloit obliger à faire des extravagances pour lui témoigner que je l’aimois. Tout ce que je pus faire, ce fut de prendre quelque prétexte, comme je fis, pour ne plus voir sa sœur, avec qui elle étoit mal ; car l’autre l’avoit obligée d’assez mauvaise grâce à déloger d’avec elle. Il fallut, pour lui ôter de la tête que je craignisse d’être obligé de l’épouser, faire tout comme font un mari et une femme. Il n’en arriva point d’accident ; elle n’étoit point féconde et n’a jamais eu qu’un enfant.

Il lui prit une nouvelle bizarrerie. Elle avoit je ne sais quelle espèce de demoiselle avec elle qu’elle faisoit tenir toujours dans sa chambre. Un beau jour je l’attrapai plaisamment. Comme elle étoit allée conduire une dame jusqu’à la porte de l’antichambre, je la suivis ; sa petite demoiselle demeura auprès du feu. Je prends la veuve et je l’emporte de l’antichambre dans une garde-robe, où je m’enferme avec elle, et je la tins tant que je voulus. Je la fis un peu revenir de ses folies, et le lendemain, l’ayant trouvée au lit, je la tâtai tant, elle avoit le corps admirablement beau, et je la vis en si belle humeur, qu’encore que ses filles fussent en un cabinet qui répondoit sur le lit, elle ne laissa