Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/130

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point à sa passion, elle avala des diamants ; que Comminges, qui étoit avare, la prit par le cou et les lui fit rendre ; et que sachant combien il y en avoit, il la pensa étrangler pour lui en faire rejeter un qui restoit, et qu’après il les emporta tous[1].

Madame de Villars étoit la plus grande escroqueuse du monde. Quand il fallut sortir du Hâvre pour ne point faire crier toute la ville, car elle devoit à Dieu et au monde, elle fit publier que tous leurs créanciers vinssent un certain jour parler à elle. Elle parla à tous en particulier, leur avoua qu’elle n’avoit point d’argent, mais qu’elle avoit en deux ou trois lieux qu’elle leur nomma, des magasins de pommes à cidre pour dix ou douze mille écus, qu’elle leur en donneroit pour les deux tiers de leur dette, et une promesse pour le reste payable en tel temps. Elle disoit cela à chacun d’eux avec protestation qu’elle ne traitoit pas les autres de la sorte, et qu’il se gardât bien de s’en vanter. Les pauvres gens, les plus contents du monde, prirent chacun en paiement un ordre aux fermiers de donner à l’un pour tant de pommes et pour tant à l’autre ; mais quand ils y furent, ils ne trouvèrent en tout que pour cinq cents livres de pommes.

Elle vit encore, mais gueuse.

  1. Comminges, père de Comminges reçu capitaine des gardes de la Reine en survivance, et gouverneur de Saumur, étoit un homme d’esprit qui partageoit souvent avec les galants qu’il servoit, car il étoit bien fait. (T.)