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grâce à nombrer nécessairement comme en ce vers de Racan :

Vieilles forêts de trois siècles âgées.

C’est encore une des censures à quoi Racan ne se pouvoit rendre, et néanmoins il n’a osé le faire que depuis la mort de Malherbe.

À propos de nombres, quand quelqu’un disoit : « Il a les fièvres, » il demandoit aussitôt : « Combien en a-t-il de fièvres[1] ? »

Il se moquoit de ceux qui disoient qu’il y avoit du nombre dans la prose, et il disoit que de faire des périodes nombreuses, c’étoit faire des vers en prose. Cela a fait croire à quelques-uns que la traduction des Épîtres de Sénèque n’étoit point de lui, parce qu’il y a quelque nombre dans les périodes.

On voit par une de ses lettres que c’étoit un amoureux un peu rude. Il a avoué à madame de Rambouillet, qu’ayant eu soupçon que la vicomtesse d’Auchy[2] (c’est Caliste dans ses Œuvres) aimoit un autre auteur, et l’ayant trouvée seule sur son lit, il lui prit les deux mains d’une des siennes et de l’autre la souffleta jusqu’à la faire crier au secours. Puis quand il vit que le monde venoit, il s’assit comme si de rien étoit. Depuis il lui en demanda pardon[3].

Racan, de qui j’ai eu la plus grande part de ces mémoires, dit que, sur les vieux jours de Malherbe, s’entre-

  1. Omis par Racan.
  2. Son Historiette suit immédiatement celle-ci.
  3. Ce fait très-curieux ne se trouve pas dans la Vie donnée par Racan.