Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/256

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jolie petite vie, qu’il a continuée jusqu’à la mort.

Je ne sais quel homme d’affaires d’auprès Saint-Thomas-du-Louvre ayant été rencontré par des voleurs, leur promit, parce qu’il n’avoit point d’argent sur lui, de leur donner vingt pistoles. Ils y envoyèrent, mais il leur donna plus d’or faux que de bon. Or, M. de Chevreuse, dont l’hôtel est dans la rue Saint-Thomas, un soir, après souper, allant seul à pied avec un page chez je ne sais quelle créature, là auprès, où il avoit accoutumé d’aller, prit, sans y songer, une porte pour l’autre, et heurta chez cet homme, qui, craignant que ce ne fussent ses filoux, se mit à crier : Aux voleurs ! Le bourgeois sort ; on alloit charger M. de Chevreuse, s’il n’eût eu son ordre. Quelques-uns pourtant veulent qu’à la chaude il ait eu quelque horion. Pour moi, je doute fort de ce conte.

Comme il se portoit fort bien, quoiqu’il eût quatre-vingts ans, il disoit toujours qu’il vivroit cent ans pour le moins. Il eut pourtant une grande maladie bientôt après, dans laquelle il fut attaqué d’apoplexie. Au sortir de ce mal, il disoit qu’il en étoit revenu aussi gaillard qu’à vingt-cinq ans. Il traita en ce temps-là avec M. de Luynes, fils de sa femme, et lui céda tout son bien, à condition qu’il lui donneroit tant de pension par an, de lui fournir tant pour payer ses dettes, et il voulut avoir une somme de dix mille livres tous les ans pour ses mignonnes. Il aimoit plus la