Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/299

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rand n’en vouloit donner que tant ; mais ma femme l’a tant fait monter, l’a tant fait monter, qu’il est venu jusqu’à ce que j’en voulois. » Elle a fait cent folies à Berny avec cet homme. On dit qu’elle l’enchaînoit et qu’elle lui faisoit tirer un petit char de triomphe le long des allées. Elle avoit des ragoûts en mangeaille que personne n’a jamais eus qu’elle. On m’a assuré qu’elle mangeoit du point coupé. Alors les points de Gênes, ni de Raguse, ni d’Aurillac, ni de Venise, n’étoient point connus ; et on dit qu’au sermon elle mangea tout le derrière du collet d’un homme qui étoit assis devant elle.

M. de Châteauneuf recherchoit madame d’Achères, alors mademoiselle de Valençay. Mais, durant cette recherche, madame d’Achères découvrit qu’il y avoit grande galanterie entre M. de Châteauneuf et madame de Pisieux. Elle vit par-dessus l’épaule de sa sœur quelques mots assez doux dans une lettre ; cela lui donna du soupçon. Elle ôte au laquais de M. de Châteauneuf la réponse de madame de Pisieux. C’étoit un billet qui parloit fort clairement. Depuis, elle ne voulut plus entendre au mariage, et quand madame de Pisieux l’en pressa, elle lui dit : « Ma sœur, connoissez-vous votre écriture ? » et en même temps lui donna sa lettre. Après cela, on ne parla plus de cette affaire.

Elle fit une amitié étroite avec madame du Vigean, qui alors logeoit à l’hôtel de Sully, que son mari avoit acheté de Gallet qui le fit bâtir. Madame de Pisieux demeuroit bien loin de là ; après avoir été tout le jour ensemble, elles s’écrivoient le soir ; et madame de Pisieux obligeoit l’autre à ne voir personne l’après-souper en son quartier, et cela par jalousie. Enfin madame d’Aiguillon l’emporta sur elle.