Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/302

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’on n’a point parlé de sa femme. On dit qu’il l’a souffletée quelquefois. Il ne l’a guère perdue de vue au commencement. L’abbé de Gramont, depuis le chevalier, en fit un vaudeville où il y avoit :

Je laisserai madame de Maulny
 Avecque son mari.

On dit que d’abord elle s’en est donné au cœur joie, quand elle l’a pu, mais sans galanterie, en partie pour faire enrager son mari ; mais qu’enfin, lasse d’être épiée et peu estimée, elle a pris le frein aux dents, est devenue une bonne ménagère, fait fort bien aller toute sa maison, et ne laisse pas de se mettre toujours proprement.

Je ne sais quel sot galant de Champagne s’avisa de lui écrire un assez ridicule poulet. Elle l’attacha à la tapisserie, et tous ceux qui vinrent le lurent. Jamais pauvre galant ne fut tant moqué.

Il a pris quelquefois des visions à son mari de quitter l’armée et de s’en aller au galop pour coucher une nuit avec elle. Ce n’étoit point pour la surprendre, car quand il l’a pu il l’en a avertie. Ce n’est point aussi qu’il l’aime fort, car on dit qu’il ne l’aime pas ; il faut donc dire qu’il aime la chair, et qu’il y a de la sensualité en son fait, car c’est un grand abatteur de bois. Il y a cinq ou six ans qu’elle devint grosse : « J’en tiens, ce dit-elle, mais je l’ai bien gagné. »

Maulny a l’honneur d’être un des plus grands brutaux qui soient au monde. Depuis peu (mai 1658) il l’a bien fait voir. Il a une terre en Bourgogne auprès de