Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/360

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lui donna la liberté, à condition d’aller dire à M. le cardinal qu’il se retireroit, et livreroit La Rochelle, en un mot, qu’il offroit la carte blanche, pourvu qu’on lui permît de le recevoir comme ambassadeur en France. Il lui donna aussi ordre de parler à la Reine de sa part. Saint-Surin vint à Paris, et fit ce qu’il avoit promis. Il parla au cardinal, qui le menaça de lui couper le cou s’il en parloit davantage. Depuis, quand la Reine apprit la mort de Buckingham, elle en fut sensiblement touchée. Au commencement elle n’en vouloit rien croire, et disoit : « Je viens de recevoir de ses lettres. »

Durant le siége de La Rochelle, feu M. le Prince, comme on étoit en peine de déchiffrer des lettres en chiffres, se ressouvint qu’il avoit vu à Alby un jeune homme appelé Rossignol, qui avoit du talent pour cela. Il en donna avis au cardinal, qui le fit venir. Il rencontra d’abord, et dit à Son Éminence : « L’espérance des Rochellois n’est que du vent : ils s’attendent à un secours par mer. » Les Anglais leur en promettoient. Le cardinal fit fort valoir cette science, et il tâcha le plus qu’il put de faire croire qu’il n’y avoit point de chiffres que Rossignol ne déchiffrât. Cela ne lui fut pas inutile contre les cabales.

À ce même siége, M. de La Rochefoucauld, alors gouverneur du Poitou, eut ordre d’assembler la noblesse de son gouvernement. En quatre jours il assembla quinze cents gentilshommes, et dit au Roi : « Sire, il n’y en a pas un qui ne soit mon parent. » M. d’Estissac, son cadet, lui dit : « Vous avez fait là un pas de clerc ; les neveux du cardinal ne sont encore que des gredins, et vous allez faire claquer