Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/396

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l’avoit. Jamais homme n’a moins su ses affaires que celui-là.

Le cardinal avoit deux petits pages, dont l’un s’appeloit Meniquet, et l’autre Saint.... J’ai oublié le nom de ce saint-là. Ils rencontroient admirablement à faire des équivoques sur-le-champ. Le cardinal s’en divertissoit. Un jour M. de Lansac entre ; Son Éminence dit : « Meniquet, une équivoque sur M. de Lansac. — Monseigneur, il me faut une pistole, sans cela, je ne saurois équivoquer. — Comment, une pistole ? dit le cardinal. — Oui, monseigneur, il m’en faut une, et si je n’équivoque bien, je me soumets à avoir le fouet… » Le cardinal lui en donne donc une. Le petit page la met dans sa poche et dit : « Pistole Lansac » (pistole en sac). Le cardinal la trouva si plaisante qu’il lui en fit donner dix.

On a remarqué que le cardinal de Richelieu avoit puni fort sévèrement la sédition des pieds-nus en Normandie, parce que cette province a eu des souverains autrefois, qu’elle le porte plus haut qu’une autre province, qu’elle est voisine des Anglois, et qu’elle a peut-être encore quelque inclination à avoir un duc.

On a remarqué aussi que ce fut une grande bévue que de défendre de peser les pistoles, car on rogna si bien qu’elles ne pesoient plus que six livres, et que le Roi se ruinoit quand il fallut porter de l’or hors de France ; enfin cela fit ouvrir les yeux au cardinal. Il est vrai qu’il prit le chemin qu’il falloit pour arrêter ce désordre, car il les décria tout d’un coup. Il fallut après tirer parti des rogneurs. Montauron en donnoit tant au Roi et les faisoit condamner à la plus grosse somme qu’il pouvoit. Il y en avoit tant que toute la