Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/54

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aimé autrefois une dame, dont je n’ai pu savoir le nom. Comme il la pressoit, car il voyoit bien qu’elle l’aimoit, elle lui dit un jour en soupirant : « Si vous saviez en quelle peine je suis, vous auriez pitié de moi. Je ne puis me résoudre à vous perdre, et si je vous accorde ce que vous me demandez, je mourrai, sans doute, de déplaisir. » Le cavalier, qui connut aux larmes et à la manière dont la belle parloit, que ce n’étoit point une feinte, en fut si touché, qu’encore qu’il fût persuadé qu’il n’avoit qu’à persévérer pour tout avoir, il lui dit, en prenant le ciel à témoin, que jamais il ne lui en parleroit, et qu’il l’aimeroit désormais comme sa sœur.

Mademoiselle de Guise se gouverna ensuite de sorte qu’il n’y avoit que le prince de Conti capable de l’épouser[1]. C’étoit un stupide.

En une petite ville où la cour passoit, le juge qui venoit haranguer le Roi s’adressa après à la princesse de Conti, qu’il prit pour la Reine. Le Roi dit tout haut : « Il ne se trompe pas trop, elle l’auroit été, si elle eût été sage[2]. » On dit que comme elle prioit M. de Guise, son frère, de ne jouer plus, puisqu’il perdoit tant : « Ma sœur, lui dit-il, je ne jouerai plus quand vous ne ferez plus l’amour. — Ah ! le méchant, reprit-elle, il ne s’en tiendra jamais. »

  1. François de Bourbon-Conti, mort en 1614.
  2. Henri IV s’étoit en effet senti un doux penchant pour mademoiselle de Guise. Mais il vit Gabrielle, et n’eut plus d’yeux que pour elle ; c’est alors que la beauté délaissée, pour se consoler, peut-être aussi pour diminuer les reproches qu’Henri pouvoit se faire, lia intrigue avec Bellegarde. Ce quadrille amoureux figure dans l’Histoire des amours du grand Alcandre.