Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/100

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ment qu’elle étoit bien aise que sa fille se divertît. L’Épinay étoit bien à la cour du prince d’Orange, qui n’étoit pas fâché qu’il fût souvent avec son fils. L’Épinay avoit l’esprit adroit, et assurément il y auroit fait fortune.

Cependant la pauvre Louison, voyant que Monsieur ne vouloit pas reconnoître le fils dont elle étoit accouchée, se mit en religion à Tours, aux Filles de la Visitation, donna à ses amies tout ce qu’elle avoit pu avoir de chez elle et de Monsieur, et ne laissa que vingt mille livres à son fils, du revenu desquelles on l’entretiendroit jusqu’à ce qu’il fût reconnu, ou qu’il fût en état de s’aller faire tuer à la guerre, si on ne le vouloit pas reconnoître. Ce petit garçon mit une fois l’épée à la main ; quelqu’un lui dit : « Rengaînez, petit vilain ; voilà le vrai moyen de n’être jamais reconnu. » Monsieur n’est nullement brave[1]. Elle vit bien. Étant supérieure du couvent, on lui vint dire : « Madame, on a fait quatre cents toises de muraille. — Je n’entends point cela, répondit-elle ; combien sont-ce d’aunes ? » Il n’y a que quatre ans que Monsieur, passant à Tours, eut envie de la voir. Madame l’en empêcha. Elle envoya du fruit à Madame. Mademoiselle a pris amitié pour ce petit garçon, qui est fort joli, et elle l’a auprès d’elle. Monsieur n’a garde de le reconnoître, car, outre qu’il croit que L’Épinay en est le père, il lui faudroit donner du bien.

M. d’Orléans a toujours l’esprit un peu page. Un

  1. Le vieux Lambert, gouverneur de Metz, qui avoit servi long-temps sans recevoir une égratignure, disoit en riant : « Un tel (j’en ai oublié le nom), monsieur d’Orléans et moi, quoique nous ayons bien été aux coups, n’avons pourtant jamais été blessés. » (T.)