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se contenta de lui jeter son chapeau à terre un jour qu’étant à la promenade à pied, il s’étoit couvert par ordre de la Reine, à cause qu’il pleuvoit un peu. Mais le plus jeune de tous, nommé Philippe (il fut tué depuis à la bataille de Rhétel), ressentit plus vivement cette injure, et un soir, proche du lieu où l’on se promène à La Haye, il attaque L’Épinay, qui étoit accompagné de deux hommes, et lui n’en avoit pas davantage. Ils se battirent quelque temps : il survint des gens qui les séparèrent. Tout le monde conseilla à L’Épinay de se retirer, mais il n’en voulut jamais rien faire. Enfin, un jour qu’il avoit dîné chez M. de La Tuilerie, ambassadeur de France, il sortit avec Des Loges (fils de M. Des Loges). Si l’on eût cru que le prince Philippe eût osé le faire assassiner en plein jour, on n’eût pas manqué de le faire accompagner, et il s’en fallut peu que M. de La Vieuville (le duc aujourd’hui), qui avoit dîné chez l’ambassadeur, ne prît le même chemin. Il fut donc attaqué par huit ou dix Anglois, en présence du prince Philippe. Des Loges ne mit point l’épée à la main ; L’Épinay seul se défendit le mieux qu’il put ; mais il fut percé de tant de coups, que les épées se rencontroient dans son corps. Il voulut tâcher à se sauver, mais il tomba ; toutefois il fit encore quelque résistance à genoux, et enfin il rendit l’esprit.

Pour ce qui est de la princesse Louise, elle a changé de religion, et est abbesse de Maubuisson, où elle mène une vie exemplaire. Madame de Longueville écrivoit de La Haye, où elle la vit en allant à Munster : « J’ai vu la princesse Louise, et je ne crois pas que personne envie à L’Épinay la couronne de son martyre. » Pour la reine de Bohème, on croit seule-