Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

devoit aller au Palais-Royal faire ses plaintes. Bois-Robert prend les devants avec le maréchal de Gramont ; ils vont au cardinal qui ne se pouvoit tenir de rire : « Monseigneur, lui dit Bois-Robert, ce n’est point contre M. de La Vrillière que j’ai fait ces vers ; j’ai lu les Caractères de Théophraste, et à son imitation j’ai fait le caractère d’un ministre ridicule. — Vous voyez l’injustice, disoit le maréchal ; le pauvre Bois-Robert, l’aller accuser de cela ! » On lui fait réciter les vers tout du long ; La Vrillière vient. « Monseigneur, il m’a vitupéré, il m’a jeté une bouteille d’encre sur le visage. — Monsieur de La Vrillière, ce n’est pas vous, disoit le cardinal, ce sont des Caractères de Théophraste. » Cependant il ne remettoit point le sieur d’Ouville sur l’état ; le cardinal enfin l’y fit remettre, car Bois-Robert l’attendoit tous les jours dans sa garde-robe. « Monseigneur, lui disoit-il, M. de La Vrillière dit qu’il ne le fera pas, quand la Reine le lui commanderoit ; il faut donc qu’il monte sur le trône après cela. » Durant ce désordre, feu M. d’Émery, par malice, fit dîner Bois-Robert chez lui vis-à-vis de La Vrillière, et guignoit, pour voir la grimace de son gendre. Penon, commis de La Vrillière, étoit lent à la délivrance du brevet. Bois-Robert lui montre quatre pistoles : aussitôt le brevet vint. Dès qu’il l’eut, Bois-Robert empoche ses quatre pistoles. « Ah ! monsieur, dit-il à Penon, je pense que je suis ivre ; à vous de l’argent ! je vous demande pardon, je ne songeois pas à ce que je faisois. » — « Enfin, dit Bois-Robert au cardinal, à qui il en faisoit le conte, mon impudence fut plus forte que la sienne. » D’Ouville fut payé durant trois ans de ses appointemens. Après