Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/185

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verrai demain de quoi, ne vous en mettez pas en peine. Il envoya le lendemain un pâté et deux bouteilles de vin, et mena vingt-cinq gentilshommes, comme gouverneur du pays. Quand il alloit au cabaret, au pis aller, il ne payoit que sa part, et, s’il pouvoit, il laissoit payer les autres pour lui. Un jour, en une petite ville, quand il voulut compter avec l’hôte, cet homme lui dit que les échevins de la ville avoient payé sa dépense : il lui demanda combien il avoit eu : « Monseigneur, répondit l’hôte, on a un peu payé la qualité : j’ai eu cinquante écus de plus que je n’aurois eu d’un autre. » On dit qu’il le contraignit à lui donner ces cinquante écus.

Une autre fois, comme il étoit prêt de signer un bail à ferme d’une de ses terres, il dit aux fermiers qu’ils lui confessassent combien ils donnoient à Perrault, son secrétaire, et, les ayant obligés d’avouer qu’ils lui donnoient cent écus, il se les fit bailler, leur disant que, puisque ce n’étoit que pour le faire signer, qu’il alloit signer, et qu’ils n’auroient plus affaire de son secrétaire. Cependant ce secrétaire a fait une grande fortune avec lui, car il faut qu’un habile homme fasse ses affaires et celles de son maître à la fois. Il lui prêtoit de l’argent pour entrer en une affaire, s’en faisoit payer l’intérêt, puis, comme il étoit homme de bon compte, il lui disoit : « Tenez, il y a tant de profit pour vous. » Quand on lui donnoit de l’argent pour quelque affaire, il le mettoit dans un coffre, et le rendoit si l’affaire ne se faisoit pas[1].

  1. Perrault acheta par la suite une charge de président à la chambre des comptes, et par son testament il fonda un service annuel pour le