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que celui de cotrets ; ils firent, son mari et elle, si beau feu qu’ils n’avoient pour subsister que ce que leurs parents leur donnoient.




ARNAULD (JEANNE).


Il y eut une Arnauld qui demeura fille ; on l’appeloit mademoiselle Jeanne Arnauld. Elle étoit huguenote. C’étoit un original ; elle avoit fait un lit de réseau, qui lui sembloit admirable. Elle pria une personne qui avoit habitude chez le cardinal de Richelieu de faire qu’on parlât de ce lit à Son Éminence, et que, pour cela, elle se contenteroit d’une maison pour se loger ; puis, quelque temps après, elle la pria de n’en point parler, « parce que, disoit-elle, quand je songe qu’un prêtre coucheroit dans un lit qu’une pucelle huguenote a fait de ses propres doigts, j’en ai horreur, et ne saurois m’y résoudre. »

Au commencement de la régence, quand on eut une terreur panique à Charenton, elle disoit qu’elle avoit « tiré son petit couteau pour mourir avec sa fleur virginale. » Il n’y eût pas eu, je pense, grande presse à la lui ôter ; elle n’avoit que soixante ans, mais en revanche elle étoit toujours habillée comme en sa jeunesse ; toujours de la dentelle du temps de Henri IV. Elle avoit de la raison en une chose, c’est qu’elle conseilloit aux filles de se marier, et qu’il n’y avoit rien de si ridicule qu’une vieille fille.

Il lui prit une vision de se faire faire un tombeau à