Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/326

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est à Port-Royal ; mais cette fille vint durant la vie du mari, après la mort duquel elle la montra, sans en avoir rien dit auparavant. Voici la raison qu’elle en rendoit : « Je ne voulois pas, disoit-elle, après le grand mépris que je témoignois avoir pour mon mari, qu’on me pût dire que je couchois encore avec lui. » Ce mari étoit un fort pauvre homme. Cette pauvre enfant, lasse d’être dans un grenier, s’est mise en religion. Armentières fut tué en duel par Lavardin, mais on disoit qu’il l’avoit tué à terre. C’est qu’il avoit tenu mademoiselle de Lavardin quatre ans le bec en l’eau, disant qu’il l’épouseroit, et n’avoit pas été fâché qu’on crût qu’il étoit bien avec elle. C’étoit une belle personne : elle épousa depuis M. de Tessé. Lavardin, son frère, avoit résolu de tuer Armentières.

Depuis cette perte, la marquise ne fit plus l’amour ; elle trouva qu’il étoit temps de faire la dévote ; mais quelle dévote, bon Dieu ! Il n’y a point eu d’intrigue à la cour dont elle ne se soit mêlée, et elle n’avoit garde de manquer à être janséniste, quand ce ne seroit que cette secte a grand besoin de cabale pour se maintenir, et c’est à quoi la marquise se délecte sur toutes choses depuis qu’elle est au monde. Cela se voit par le Journal du cardinal de Richelieu ; elle a toujours été de quelque affaire, et l’amour ne l’occupoit point tellement, que les négociations ne consumassent une partie de son temps. Ajoutez que depuis qu’elle est dévote, c’est la plus grande friande qui soit au monde ; elle prétend qu’il n’y a personne qui ait le goût si fin qu’elle, et ne fait nul cas des gens qui ne goûtent point les bonnes choses. Elle invente toujours quelque nouvelle friandise. On l’a vue pester contre