Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/348

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garde de M. d’Aiguebère. — Vous êtes donc un garde-fou ? » Et tout le jour, en rêvant, car il est aussi rêveur qu’un autre, il ne fit que dire : « Garde d’Aiguebère, garde-fou ; garde-fou, garde d’Aiguebère. » Il sera un an quelquefois à redire, quand il rêve, un bout de chanson, ou quelque autre chose qui lui sera demeurée dans l’esprit.

Des comtes d’Allemagne, qui s’appellent les comtes d’Olac, d’Hohenlohe en allemand, le vinrent saluer ; ils étoient plusieurs frères, et comme en ce pays-là les cadets ont la même qualité que l’aîné, il en vint je ne sais combien l’un après l’autre ; cela l’ennuya : « Serviteur, dit-il, à messieurs les comtes d’Olac, fussent-ils un cent. »

Un vicomte Du Bac, de Champagne, qui fait l’homme d’importance, vouloit quelque chose du maréchal, et ne le quitta point de tout le jour ; même il soupa avec lui. Après souper il ne s’en alloit point ; le maréchal dit à un valet-de-chambre : « Fermez la porte, donnez des mules à monsieur le vicomte, je vois bien qu’il me fera l’honneur de coucher avec moi. — Ah ! monsieur, dit l’autre, je me retire. — Non mordieu ! reprit le maréchal, monsieur le vicomte, vous me ferez l’honneur de prendre la moitié de mon lit. » Le vicomte se sauva. Toute la province se moqua fort de ce monsieur le vicomte.

Un jour qu’on disoit des menteries, il dit qu’à une de ses terres il avoit un moulin à rasoirs, où ses vassaux se faisoient faire la barbe à la roue, en deux coups, en mettant la joue contre.

Il n’est pas autrement libéral ; mais il refuse en goguenardant. Les vingt-quatre violons allèrent une fois