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lui donner ses étrennes. Après qu’ils eurent bien joué, il met la tête à la fenêtre : « Combien êtes-vous, messieurs ? — Nous sommes vingt, monsieur. — Je vous remercie tous vingt bien humblement, » et referme la fenêtre.

Il avait un fripon d’écuyer, nommé Du Tertre, qui un jour le vint prier de le protéger dans un enlèvement qu’il vouloit faire. « Hé bien ! la fille t’aime-t-elle fort ? est-ce de son consentement ? — Nenny, monsieur, je ne la connois pas autrement, mais elle a du bien. — Ah ! si cela est, reprend le maréchal, je te conseille d’enlever mademoiselle de Longueville, elle en a encore davantage ; » et sur l’heure il le chassa. Ce galant homme étoit filou, et enfin a été roué. Il étoit gouverneur de Gergeau[1] ; cela lui rapportoit quatre mille livres. Le curé au prône dit : « Vous prierez Dieu pour l’âme de M. Du Tertre, notre gouverneur, qui est mort de ses blessures. »

Rangouze lui apporta un jour une belle lettre ; il la reçut, et puis dit à un valet-de-chambre : « Menez monsieur à un tel, qu’il lui donne ce que j’ai habitude de donner aux gens de mérite. » On l’y conduit. Cet homme se met à rire, et dit à Rangouze qu’il n’avoit qu’à s’en retourner, et que rien et ce que M. le maréchal donnoit aux gens de mérite, c’étoit une même chose[2].

Quand il perd, il va, de furie, donner de la tête dans

  1. Gergeau, petite ville sur la Loire, à quatre lieues à l’est d’Orléans. On n’y voit plus de traces de château.
  2. Voyez plus bas l’article Rangouze, dans la suite de ces Mémoires.