Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/7

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lui fit accroire qu’il ne pouvoit courir risque de la vie ; mais que s’il ne reconnoissoit ses juges, il seroit prisonnier pour le reste de ses jours. Il les reconnut, et eut le cou coupé. Il faut dire, à la louange d’un M. Frotté, son secrétaire, que le cardinal fit tout ce qu’il put au monde pour le gagner, mais il n’en put venir à bout. M. de Châteauneuf présidoit au jugement. Il n’étoit pas trop bien avec le cardinal ; il s’y remit bien par ce bel arrêt. Il ne laissa lire qu’une fois les avis, au lieu de trois fois, et puis dit : Il y a arrêt. Chastellet vouloit revenir. On assure que le cardinal dit, comme si cela l’eût lavé en quelque sorte : « Je ne croyois pas qu’il y eût de quoi faire mourir M. de Marillac ; mais Dieu donne des connoissances aux juges qu’il ne donne pas aux autres hommes. Il faut croire qu’il étoit coupable, puisque ces messieurs l’ont condamné[1]. » On ne lui fit son procès que sur des ordres de tirer tant et tant de certains villages du Verdunois, pour les exempter des gens de guerre, et lui, disoit qu’il avoit employé cet argent à bâtir la citadelle de Verdun ; mais il n’en avoit point d’ordre. Châteauneuf en a été bien payé. Depuis, Bretagne, conseiller à Dijon, fut pour cela premier président de Metz[2].

  1. Ce propos a été attribué également au cardinal de Richelieu par l’abbé de Marolles, dans son Abrégé de l’Histoire de France. Bayle dit à cette occasion, article Louis XIII : « Si j’avois ouï dire cela à ce cardinal, je croirois qu’il tint ce discours. »
  2. On le trouva brûlé ; car un jour, étant demeuré seul, il étoit tombé dans le feu, et, comme il étoit foible, il ne s’en put tirer. (T.)