Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/98

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J’ai su d’un de mes amis, qui le tenoit de l’abbé de La Rivière, que M. L’Épinay s’en allant à Paris, après que Monsieur l’eut chassé, rencontra M. de Brion à Étampes, à qui, comme à son ami, il donna une lettre pour Louison, où il y avoit que sa disgrâce n’étoit un malheur pour lui qu’à cause qu’elle l’éloignoit de ce qu’il aimoit, et qu’il n’avoit pour toute consolation que le plaisir de baiser le bracelet de cheveux qu’elle lui avoit donné. Monsieur est averti que M. de Brion avoit vu L’Épinay en chemin. Il attend que Brion fût couché, puis il va dans sa chambre, et se saisit de son haut-de-chausses, où étoit la lettre. Voilà ce qui l’acheva de persuader que Louison lui avoit fait infidélité.

L’Épinay chassé s’en alla en Hollande, où il eut facilement accès chez la reine de Bohème. Comme il y entra avec la réputation d’un homme à bonne fortune, il y fut tout autrement regardé qu’un autre, et, dans l’ambition de n’en vouloir qu’à des princesses ou à des maîtresses de princes, on dit qu’il cajola d’abord la mère, et après la princesse Louise, car les Louises étoient fatales à ce garçon. On dit que cette fille devint grosse, et qu’elle alla pour accoucher à Leyde, où l’on n’en faisoit pas autrement la petite bouche. La princesse Élisabeth[1], son aînée, qui est une vertueuse fille, et une fille qui a mille belles connoissances, et qui est bien mieux faite qu’elle, ne pouvoit souffrir que la Reine, sa mère, vît de bon œil un homme qui avoit fait un si grand affront à leur maison. Elle excita ses frères contre lui ; mais l’électeur

  1. C’est avec cette princesse que Descartes correspondoit.