Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/10

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été un peu amoureux de la Reine-mère, et qu’il disoit que la seule charge qu’il convoitoit, c’étoit celle de grand panetier, parce qu’on couvroit pour le Roi[1]. Il étoit magnifique, et prit la capitainerie de Monceaux, afin d’y traiter la cour. La Reine-mère lui dit un jour : « Vous y mènerez bien des putains[2]. — Je gage, répondit-il, madame, que vous y en mènerez plus que moi. » Un jour il lui disoit qu’il y avoit peu de femmes qui ne fussent putains. « Et moi ? dit-elle. — Ah ! pour vous, madame, répliqua-t-il, vous êtes la Reine. »

Une de ses plus illustres amourettes, ce fut celle de mademoiselle d’Entragues, sœur de madame de Verneuil : il eut l’honneur d’avoir quelque temps le roi Henri IV pour rival. Testu, chevalier du guet, y servoit Sa Majesté. Un jour, comme cet homme venoit lui parler, elle fit cacher Bassompierre derrière une tapisserie, et disoit à Testu, qui lui reprochoit qu’elle n’étoit pas si cruelle à Bassompierre qu’au Roi, qu’elle ne se soucioit non plus de Bassompierre que de cela, et en même temps elle frappoit d’une houssine, qu’elle tenoit, la tapisserie à l’endroit où étoit Bassompierre. Je crois pourtant que le Roi en passa son envie, car un jour le Roi la baisa je ne sais où, et mademoiselle de Rohan, la bossue, sœur de feu M. de Rohan, sur l’heure écrivit ce quatrain à Bassompierre :

Bassompierre, on vous avertit,
Aussi bien l’affaire vous touche,

  1. Il disoit qu’il y avoit plus de plaisir à le dire qu’à le faire. (T.)
  2. On parloit ainsi alors. (T.)