Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/104

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Le feu président, comme j’ai dit ailleurs, eut sa charge pour rien. Étant chancelier de Monsieur, et étant veuf pour la seconde fois, il prétendoit être cardinal[1]. Puy-Laurens et lui, voyant qu’on se moquoit d’eux, firent aller leur maître en Lorraine. Puy-Laurens, amoureux de la princesse de Phalsbourg, croyoit l’épouser, et vouloit être beau-frère de son maître. Le Cogneux, dit-on, s’opposa au mariage de la princesse Marguerite, aujourd’hui madame d’Orléans, et ce fut pour cela qu’on l’envoya à Bruxelles pour cabaler avec la Reine-mère et l’infante ; et après on lui manda qu’il y demeurât.

Ç’a été toujours un homme assez extraordinaire. Il lui prit envie à Bruxelles, étant en colère contre ses gens, d’essayer si on ne pouvoit vivre sans valets. Il donna congé à tous ses domestiques pendant trois mois, se mit dans une chambre tout seul, faisoit son lit, alloit au marché et mettoit son pot au feu ; mais il en fut bientôt las.

Il avoit un peu la mine d’un arracheur de dents ; cela n’empêcha pas qu’avant d’aller en Lorraine, comme il étoit en crédit chez Monsieur, il n’eût eu une belle galanterie avec une madame Guillon, femme d’un conseiller au parlement, qu’on appeloit le teston rogné du palais, parce qu’il n’avoit point de lettres.

    des Innocens. Gilles Le Coigneux, leur fils, a été procureur au Parlement, et leur petit-fils est devenu conseiller.

  1. On m’a dit que le cardinal de Richelieu dit une fois : « M. Le Cogneux ne sauroit être d’église. » C’est que Le Cogneux avoit épousé clandestinement la fille d’un sergent, si je ne me trompe, qui étoit fort belle ; elle s’appeloit Marie Droguet. On ajoute qu’il s’en défit gaillardement afin de n’avoir plus cet obstacle à sa fortune. (T.)