Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/105

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Cet homme l’avoit épousée pour sa beauté, fut déshérité à cause de ce mariage ; mais, après la mort du père, son frère et lui s’accommodèrent. Elle étoit aussi belle que personne de son temps ; la Reine-mère[1] disoit : « È bella sta Guillon mi ressemble. »

Le Cogneux, veuf de sa première femme, pour voir plus commodément madame Guillon, acheta cette maison à Saint-Cloud qu’il a eue jusqu’à sa mort, parce qu’elle étoit vis-à-vis de celle de Guillon. Au fort de cette amourette il se marie avec une demoiselle de Ceriziers[2]. C’est la mère de Bachaumont, qui n’étoit guère moins belle que madame Guillon. Au commencement cette femme ne bougeoit d’avec la maîtresse de son mari, et la croyoit la plus honnête femme du monde ; enfin, l’imprudence des amants lui découvrit toute l’histoire. Le Cogneux n’osoit plus aller chez ses amours qu’en cachette ; mais madame Guillon, pour faire dépit à cette femme, voulut qu’elle sût que Le Cogneux la voyoit toujours ; mais le mari ne vouloit point donner ce déplaisir-là à sa femme.

Au bout de quelque temps, Le Cogneux eut jalousie de ce qu’un avocat nommé Des-Estangs, de leurs amis, et qui étoit de l’intrigue, avoit couché à Saint-Cloud chez madame Guillon, et, de rage, il porte à sa femme toutes les lettres de madame Guillon, et jure de ne la plus voir : voilà cette femme au désespoir. Elle fit durant quelques années toutes les choses imaginables pour

  1. Marie de Médicis.
  2. Marie Ceriziers, dont le père étoit maître des comptes. (T.)