Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Loire. Il alloit à Nantes du temps que Chalais eut la tête coupée ; une demoiselle lui demanda place dans sa cabane pour elle et sa fille : cette demoiselle alloit à la cour pour y faire sceller une grâce pour son fils. On alloit toute la nuit. Dans l’obscurité il s’approche de cette fille, et il étoit prêt d’entrer dans la chambre défendue[1], quand un batelier se mit à crier : « Vire le peautre[2], Bassompierre. » Cela le surprit, et, je crois même, le désapprêta. Il sut après qu’on appeloit ainsi celui qui tenoit le gouvernail, et qu’on lui avoit donné ce nom, parce que c’étoit le plus gentil batelier de toute la rivière de Loire.

Une illustre maquerelle disoit « que M. de Guise étoit de la meilleure mesure, M. de Chevreuse de la plus belle corpulence, M. de Termes le plus sémillant, et M. de Bassompierre le plus beau et le plus goguenard. »

Ceux que je viens de nommer, avec M. de Créquy et le père de Gondy, alors général des galères, mangeoient souvent ensemble, et s’entre-railloient l’un l’autre ; mais dès qu’on sentoit que celui qu’on tenoit sur les fonts se déferroit, on en prenoit un autre : leurs suivants aimoient mieux ne point dîner et les entendre.

J’ai déjà dit ailleurs qu’il n’a jamais bien dansé ; il n’étoit pas même trop bien à cheval ; il avoit quelque chose de grossier ; il n’étoit pas trop bien dénoué. À un

  1. Allusion à l’Amadis de Gaule.
  2. Peautre ou piautre ; ce mot de notre ancienne langue romane s’est conservé parmi les bateliers de Loire pour exprimer le gouvernail.