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vingt ans M. d’Avaux, que c’étoit une chose honteuse[1].

D’Avaux oublia cruellement le pauvre Ogier le Danois[2], qui n’a jamais rien eu de lui après l’avoir servi dans tout le Septentrion, et y avoir ruiné sa santé. Mais il défendit de demander compte à Pepin, son intendant, « car, dit-il, je ne crois pas qu’il me doive rien, » et il lui laissa la maison où il loge. On consulta si on devoit faire une oraison funèbre. Ogier dit que comme on ne pouvoit s’empêcher de parler du grand effort qu’il fit à Munster pour faire signer la paix, cela choqueroit la cour. Cet Ogier a fait son éloge au-devant des sermons qu’il a donnés au public.

Le président de Mesme traitoit si fort ses frères de haut en bas, qu’il ne daignoit quasi leur ôter le chapeau. Il ne se levoit pas et disoit : « Donnez un siége à mon frère. » Ce n’étoit point par familiarité, c’étoit par orgueil[3]. Il avoit aimé les femmes, et il disoit, quand il en avoit payé quelqu’une, car je crois qu’il n’en avoit guère autrement, qu’il lui étoit permis de demander : « Il m’en a tant coûté ; trouvez-vous que ce soit trop cher ? » Comme on dit : « Cette étoffe me coûte tant, ai-je été trompé ? » Il mourut un mois après

  1. D’Avaux leur donnoit beaucoup. (T.)
  2. Charles Ogier, frère aîné du prédicateur. Secrétaire du comte d’Avaux, il l’accompagna dans ses ambassades en Suède, en Danemark et en Pologne. On a de lui Ephemerides, sive iter Danicum, Suecicum, Polonicum ; Paris, 1656, in-8o, ouvrage posthume publié par son frère.
  3. Il appeloit sa femme Demoiselle. Le président de Thou, l’historien, appeloit la sienne Domine. Blondel, le ministre, appeloit la sienne ma Gaîne. Les médisants disoient que c’étoit une coutelière. (T.)