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PARDAILLAN D’ESCANDECAT.


Armand, ou Pardaillan d’Escandecat, étoit d’une noblesse un peu douteuse, car on disoit que son père avoit fait fortune auprès de Henri IV, et que de son estoc c’étoit peu de chose. Il rompit avec madame de Rohan sur un rien : elle vouloit qu’il s’obligeât à lui laisser passer tous les hivers à Paris ; peut-être prit-elle ce prétexte, et qu’elle avoit reconnu que ce n’étoit qu’un fat. Il épousa pourtant depuis la sœur du marquis de Malause qui vient d’un bâtard de Bourbon du sang royal. Cet homme, avec six criquets, vouloit passer tout le monde sur le chemin de Charenton. Il passe le comte de Roussy, qui, ce jour-là, n’avoit que quatre chevaux, mais bons ; le cocher du comte le repassoit de temps en temps : Pardaillan ne le put souffrir, et par une extravagance inouie, il monte sur un cheval qu’avoit son page, et, en passant au galop devant le carrosse du comte de Roussy, il cria d’un ton goguenard : J’aurai au moins le plaisir d’être le premier à Paris. Il ne dit pas vrai, car à peine fut-il dans le faubourg Saint-Antoine, que voilà un orage qui le mouilla comme une carpe avant qu’il pût se mettre à couvert sous un auvent, où le comte le trouva qui attendoit son carrosse.

À l’âge de quarante-cinq ans il fit un voyage à Paris, dans le temps que les dentelles étoient défendues. Il avoit un porte-feuille dans son carrosse ; il tiroit les