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édition qu’il ne possédait pas des Lettres spirituelles de son héros ! Mlle Gonin eut le mérite d’accomplir, en ces circonstances, une bonne action dont bien peu de bibliophiles seraient capables. Élevant sa charité jusqu’au degré où commence le sacrifice, elle abandonna son exemplaire à l’heureux capucin. Espérons que Saint Joseph, patron à la fois de ce religieux et du fameux vignoble, tiendra compte à Mlle Gonin du déchirement de cœur avec lequel elle se sépara du rarissime volume, et qu’il obtiendra pour elle toutes sortes de dédommagements et de récompenses, soit sous la forme de bouquins encore plus précieux, soit sous la forme de raisins aussi abondants et aussi beaux que ceux de la Terre promise !

La collection qui a été si utile aux aimables et savantes personnes que je viens de nommer, m’a rendu mille services et je ne puis en parler sans une vive reconnaissance. Quand je voulus publier la correspondance du cardinal d’Armagnac avec Jacques de Germigny, baron de Germoles, ambassadeur de France à Constantinople (de 1579 à 1584)[1], je ne manquai pas, selon mon habitude, de dresser, d’après mes souvenirs, mes notes, mes recueils imprimés, la liste des ouvrages à consulter sur la biographie du diplomate bourguignon. Parmi ces ouvrages, la Bibliothèque Historique de la France m’indiquait en première ligne l’Illustre Orbandale ou l’histoire ancienne et moderne de la ville et cité de Châlon-sur-Saône, etc. par le P. Léonard Bertaut (Lyon 1662, 2 vol. in-4o). Mais où trouver l’Illustre Orbandale ? J’aurais en vain fatigué de mes cris tous les échos du Sud-Ouest. À mes pressantes demandes, on aurait répondu avec un touchant ensemble : « Inconnu votre Illustre Orbandale ! » Seule probablement en Gascogne, Mlle Gonin possédait les deux volumes où je fis une superbe moisson. Plus tard, désireux d’étudier un dramatique épisode de l’histoire de Provence, la condamnation et le supplice de Louis Gaufridi, à propos d’une autre affaire de sorcellerie dont il est question dans les lettres de Peiresc, je n’ai eu qu’à étendre le bras pour saisir un volume des plus rares et rempli de plantureuses informations, volume dont un exemplaire s’est récemment vendu dix fois plus cher que n’avait été payé celui de Mlle Go-

  1. Le cardinal d’Armagnac et Jacques de Germigny, documents inédits, dans la Revue des questions historiques de janvier 1883. Il en a été fait un tirage à part à très petit nombre d’exemplaires.