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ressentir une consolation extraordinaire de ce que vous estes dans une si bonne assiette, et si j’ay du desplaisir de n’estre pas auprès de vous pour vous ayder à supporter vostre douleur, je ne suis pas au moins dans cette inquiétude de ne savoir comment vous la supportiés. C’est une grâce qu’il plaist à Dieu de vous faire dont il le faut bien remercier afin qu’il vous la continue et que s’il vous esprouve à l’avenir, en d’autres occasions, il vous donne aussy la force de soustenir ses espreuves et vous rendre digne de luy. Je ne doute point que Mr  vostre mary n’ait contribué de tout son pouvoir à vous adoucir les amertumes qui luy estoient communes avec vous. Et il est vray qu’en ces rencontres malheureuses aucune chose ne m’a plus remis que l’espérance que j’ay eue en luy, je veux dire en la force de son courage et en l’amitié qu’il a pour vous, l’une pour luy faire souffrir avec constance les pertes que vous avés faittes, l’autre pour vous les faire oublier par la satisfaction que vous devés avoir d’estre si bien aymée de luy. Sur quoy je vous diray que pourveu que Dieu vous le conserve[1], il ne vous sçauroit rien arriver d’insupportable, estant vostre principal bien, qui vous peut tenir lieu de tous les autres quand Dieu vous en voudroit priver. J’ay appris par la lettre que Mlle  Bouchardière [dame de compagnie de la marquise] a escrite à Mme  du Fay [la belle-sœur de la marquise] vostre grossesse, dont j’ay eu beaucoup de joye, et l’ay considérée comme un bien que Dieu vous envoye pour remplacer la perte que vous avez fait de vostre mignon[2], et tesmoigner le soin particulier qu’il a de vous, dont vous luy devés rendre grâces, selon vostre bonté accoustumée. Je suis tousjours en peine de cette fièvre qui ne vous quitte point… Mme  la marquise de Rambouillet, Mlle  sa fille, Mme  de Clermont, Mlles  ses filles, Mlle  Paulet, Mme  la comtesse de

  1. Dieu ne le lui conserva pas longtemps : le marquis de Flamarens fut tué, treize ans plus tard, et jeune encore, à la bataille du faubourg Saint-Antoine, dans les rangs des Frondeurs (2 juillet 1652). On lit dans les Mémoires de Mlle  de Montpensier, édition de M. Chéruel (t. ii, p. 113) : « Le marquis de Flamarin fut tué, dont j’eus beaucoup de déplaisir, étant mon ami particulier depuis le voyage d’Orléans, où il m’avoit suivie et très bien servie. On lui avoit prédit qu’il mourroit la corde au cou, et il l’avoit dit souvent pendant le voyage, s’en moquant et le disant comme une chose ridicule, ne se pouvant persuader qu’il seroit pendu. Comme l’on alla chercher son corps, on le trouva la corde au cou en la même place où, quelques années auparavant, il avoit tué Canillac en duel. »
  2. C’est la pensée qui a été si heureusement développée par le poète des Contemplations dans la délicieuse pièce intitulée le Revenant.