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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/14

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Voilà ce que j’ai cru devoir vérifier attentivement avant d’y croire ; et il m’a semblé que cette vérification, pour être solide, devait être complète ; que toutes les espèces et variétés d’inversions, de contrariétés, d’oppositions quelconques, tous les rythmes, toutes les symétries, toutes les antinomies, toutes les luttes, à tous les degrés de la réalité, faisaient partie intégrante d’un même genre, et que le rôle de chacune d’elles n’est bien expliqué que par sa comparaison avec toutes les autres. C’est là l’excuse de tant de rapprochements dont l’étrangeté pourra surprendre de prime abord. Ils n’auront pas été inutiles si l’on juge, à la fin, qu’ils ne sont pas sans jeter quelque jour sur la part qui revient dans nos progrès à nos contradictions de tout genre, à la concurrence, à la guerre, à la discussion même, sur l’erreur de ceux qui, exagérant l’importance très réelle, mais secondaire et auxiliaire, de ces oppositions, les élèvent au rang de principes créateurs, et sur l’illusion, non moins grave, de leurs adversaires qui espèrent avoir trop facilement raison de faits aussi généraux, aussi universels. Par la faiblesse théorique de leur conception sociologique, les premiers, en dépit de leurs irréfutables objections de fait, font la force des seconds qui sont sûrs d’un écho dans les âmes en s’appuyant — théoriquement — sur les idées de sympathie, de paix, de solidarité, de fédération. Et il est certain que l’hymen seul est fécond, non le duel ; et que, sans l’inventivité géniale, fille de l’accord des idées, sans l’imitativité sociale, fille de la sympathie innée des hommes, la mêlée sociale, certes, n’eût pas suffi à susciter le progrès humain.

Février 1897.