Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/161

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ordres de faits. Partout un genre de régularité et d’autorité quelconque s’impose à la libre diversité des éléments. Il y a une mort chimique, c’est l’état cristallin, — si merveilleusement symétrique, — réalisé par l’entier assouvissement des appétits atomiques. La mort astronomique, c’est la complète pétrification d’un globe céleste, sans eau, sans atmosphère, tel que la Lune. Tel est l’idéal que poursuit l’attraction. On peut appeler mort linguistique l’espèce de roideur cadavérique qui saisit une langue parvenue à la dernière phase de son progrès, quand, après s’être étendue le plus possible, elle cherche à se consolider le plus possible, et qu’enfin son dictionnaire, sa grammaire, son orthographe, arrêtés et fixés, ont triomphé de tous les dialectes, de tous les patois, de tous les idiotismes provinciaux ou individuels, de toutes les formes changeantes qui faisaient la souplesse de l’idiome, son accommodation aux besoins nouveaux sans ntégration ; sa période de beauté plastique, de splendeur et d’ampleur oratoire, n’est jamais qu’une transition de son bégaiement primitif, confus et presque sans règle, à la dureté, à l’éclat métallique de sa dernière période qui, d’ailleurs, peut durer indéfiniment ; car une langue est comme un coquillage dont l’homme se sert et qui n’a pas besoin d’être encore vivant pour être encore utile. Tel le latin au Moyen Âge ou le sanscrit dans l’Inde. — La mort d’une religion, n’est-ce pas aussi la réalisation de son long rêve, toute hérésie domptée, toute dissidence individuelle écartée, tout rite local interdit, la clé de voûte mise à l’édifice dogmatique, l’orthodoxie et la hiérarchie sacerdotales régnant souverainement