Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/167

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symétrie sphérique en les dilatant dans tous les sens ? L’électricité et le magnétisme sont des formes du mouvement bien autrement différenciées et spécialisées, bien autrement inhérentes aux caractères chimiques des substances que la lumière indifférente. L’affinité chimique, sans doute, ne rayonne pas moins sphériquement que l’attraction astronomique (quoique je n’entende point les assimiler l’une à l’autre) autour de chaque molécule ; mais le dernier résultat de son exercice est le cristal, où se montre une symétrie bilatérale[1]. Dans le monde social, la succession des divers types d’architecture, depuis la hutte ou la tente primitive, ronde et sans façade distincte, jusqu’aux édifices civilises où la symétrie bilatérale est de mieux en mieux marquée, donnerait lieu à des considérations analogues.

  1. La cristallographie demanderait à être étudiée à notre point de vue. Je nen dirai qu’un mot. L’état cristallin est l’état solide par excellence, et il semble que la nature s’efforce de le ^généraliser sans cesse : d’après M. Mallart, la matière a une tendance manifeste à réaliser, dans sa structure intime, l’arrangement le plus symétrique possible. Car, s’il y a des corps amorphes qui ne cristallisent pas, leur état est instable, et eux-mêmes fmissent, si on les laisse en paix, par se cristalliser. D’autre part, le phénomène si justement remarqué de la cicatrisation des cristaux exprime une sorte de désir de rétablir la symétrie rompue. Mais, chose remarquable, cet effort, ce désir, cette tendance, échoue le plus souvent, apparemment parce qu’elle se heurte contre une nécessité supérieure. En somme, la cristallisation est un fait exceptionnel ; il est très rare de rencontrer hors de nos laboratoires, dans la nature, des cristaux réguliers, surtout des cristaux de grande dimension. Est-ce à dire que la cristallisation régulière soit le privilège d’une élite, et que ce soit le cas dédire : beaucoup d’appelé» (ou plutôt tous appelés) et peu d’élus ? Non, l’état cristallin est essentiellemeDi infécond. Arrivée là, la substance matérielle s’arrête en une stérile symétrie. Au contraire, l’état colloïde est essentiellement fécond et seul vivifiante. Il n’en est pas moins vrai que, dans cette matière colloïde elle-même, une fois animée par la vie, le vœu de symétrie naturelle se fait jour sous une forme nouvelle et plus haute, celle des conformations vivantes.