Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/17

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même envers le même ? Et en quoi cette créance peut-elle être dite le complément de cette dette ?

M. Renouvier ajoute : « Quant aux contraires mal définis qui figurent parfois sous ce nom dans le discours, ou ils expriment une simple corrélation, dont la nature peut varier, ou ils n’ont aucun intérêt pour la science. Tels sont, par exemple, le grand et le petit, le fort et le faible, le blanc et le noir, etc. » je souligne le blanc et le noir, dont l’opposition psychologique, nullement indifférente à la science, a donné lieu à de savants travaux. Mais les autres exemples cités, par leur vague et leur banalité, témoignent du complet dédain de l’illustre métaphysicien pour cette question. Ce que je lui accorde volontiers, c’est que les contraires ont été jusqu’ici fort mal définis ou ne l’ont pas été du tout ; c’est-à-dire qu’il y a lieu de chercher à les définir. Un géomètre comme lui a-t-il pu ne pas songer à l’opposition mathématique, si intéressante, des quantités positives et négatives ? Elle lui aurait permis de ramener à des termes plus précis celles du fort et du faible, du grand et du petit, du rapide et du lent, etc.

Aristote seul, parmi les grands maîtres de la philosophie, a paru préoccupé et comme tourmenté de notre sujet, dont l’importance ne lui a pas échappé, non plus qu’à ses prédécesseurs helléniques. Dans sa Métaphysique et ses autres ouvrages, il fait de fréquentes allusions à un écrit de lui intitulé la Théorie des contraires ou Le Choix des contraires. Il est regrettable que ce traité ait été perdu, mais ce qui doit nous consoler un peu de cette perte, c’est que le profond philosophe s’y faisait lui-même très probablement une idée assez mal définie et passablement complexe de l’opposition. Comme