Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/18

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type et source des couples d’opposés, il cite l’opposition de l’unité et de la pluralité[1] ou celle de l’être et du non-être. « On est généralement d’accord, dit-il, pour admettre que les êtres et la substance viennent des contraires. Aussi tous les philosophes reconnaissent-ils que les principes sont contraires : les uns les voyant dans l’impair et le pair, les autres dans le froid et le chaud, ceux-ci dans le fini et l’infini, ceux-là dans l’amour et la discorde. Toutes ces oppositions et tant d’autres peuvent se réduire à celle de l’unité et de la pluralité[2]. » Il oppose plus loin l’antérieur au postérieur, le genre à l’espèce, le tout à la partie. Il jongle aussi avec les oppositions du petit et du grand, du peu et du beaucoup, du poli et du rude, du droit et du courbe, tout cela pêle-mêle et mis sur le même rang. Des contraires, là aussi, il fait tout procéder. « Toutes les couleurs intermédiaires dérivent du blanc et du noir, et l’on peut affirmer que toutes les choses de la nature sont des contraires ou viennent des contraires. » Il dit ailleurs que « la propriété la plus spéciale de la substance est que, tout en restant une seule et même chose, elle peut recevoir les contraires », c’est-à-dire être tour à tour noire et blanche, sèche et humide, aller de droite à gauche, puis de gauche à droite, etc. Il revient souvent sur cette propriété.

  1. « Ainsi, on peut ranger l’inertie (le repos) dans l’unité, et le mouvement dans la pluralité. »
  2. Dans sa Physique, il dit aussi : « Un point où s’accordent les physiciens, c’est que tous ils regardent les contraires comme des principes. » Et il cite comme principes contraires de la physique le dense et le rare, le plein et le vide, le haut et le bas, l’avant et l’arrière, etc. Toute la différence des philosophes physiciens, d’après lui, c’est que les uns prennent pour principes des contraires inférieurs le sec et l’humide, le froid et le chaud, et les autres des contraires supérieurs, le pair et l’impair, l’amour et la discorde.