Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/178

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Tout discernement implique une négation, comme toute reconnaissance une affirmation. Pas d’animal non plus, pas de nouveau-né, qui n’exprime souvent, par ses attitudes et ses gestes, son passage graduel du doute à la conviction parfaite, positive ou négative. Il me semble que les psychologues physiologistes, s’ils s’étaient aidés ici des lumières que la biologie leur fournit, au lieu de se restreindre au faible secours de la physiologie cérébrale, encore à édifier, n’auraient pu s’empêcher de reconnaître le rôle singulier de la croyance et du désir, leur persistance identique attestée par la comparaison des animaux, et leur dualité irréductible où se reflète le double fonctionnement continuel, centripète et centrifuge, de la vie en général, de la vie nerveuse en particulier. Par la croyance, par le saisissement attractif et assimilateur, l’être psychique acquiert et s’accroît ; par le désir, par l’expansion de soi, il s’extériorise et se dépense.

Mais, faute de s’attacher à ces comparaisons, la plupart des psychologues ont négligé de faire des analyses nécessaires. Les plus pénétrants même précisément parce qu’ils sont trop subtils, ont méconnu l’identité de la croyance ou du désir à travers leurs degrés infinis d’augmentation ou de diminution, et y ont vu autant de changements de nature, parce qu’ils ont confondu l’un et l’autre avec l’état affectif, — sensationnel ou émotionnel, — qui s’ajoute à chacun de ces degrés pour les qualifier. Il est certain que la conviction, au moment ou elle s’établit en nous à la suite d’hésitations d’esprit, est escortée d’un sentiment particulier de plaisir et de peine et apparaît comme un état d’âme tout autre que les états qui l’ont précédé. Il est certain aussi que la foi religieuse,