Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/180

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dernières années, ont eu le tort de ne regarder attentivement que la première : leur analyse s’est beaucoup servie des secours que lui prêtait l’étude de la pathologie cérébrale notamment et de l’hypnotisme, celui-ci leur permettant par ses simplifications exceptionnelles, celle-là par ses grossissements exagérés, de mieux percevoir des faits restes confus et embrouillés à l’état normal. Mais le monde social leur offrait aussi une autre sorte de verre grossissant dont ils ont beaucoup moins fait usage, bien qu’il ait l’avantage d’être infiniment plus clair, plus explicatif, plus commode même à manier. Dans une foule ou une secte, dans une nation, tel état ou tel penchant de l’âme s’étale sous un jour plus vif qui le fait saisir à nu. Or il n’est pas de peuple ou n’apparaisse de très bonne heure et ne se développe incessamment, avec les traits de plus en plus marques d’une vraie quantité homogène et mesurable, la notion de valeur, l’idée non seulement économique, mais sociale par excellence, au fond de laquelle on ne découvre que croyances et désirs combinés et accumulés. — Parmi les rapports du moi avec les autres êtres, ses relations avec les autres moi se signalent éminemment : par elles se fortifient avec une intensité singulière et l’exactitude de ses répétitions (habitudes, travaux), et l’énergie de ses oppositions (combats, discussions), et aussi, et surtout, par ces moyens mêmes, la profondeur de son originalité propre.

Mais, pour le moment, je n’insiste pas à cet égard, ayant l’intention de revenir sur ce sujet. Achevons de jeter rapidement un coup d’œil général sur l’ensemble de la vie mentale, avant de la parcourir avec plus de détail pour y herboriser, pour ainsi dire, des oppositions et les interpréter.