Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/193

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cette proposition : elle signifie qu’une sensation est d’autant plus intense qu’elle est jointe ou bien à des jugements élémentaires plus crus, ou bien à un plus grand nombre de jugements élémentaires, semblables et également crus. Or ces deux significations sont vraies tour à tour : la première s’applique surtout aux plus humbles débuts de la vie mentale, quand le nouveau-né paraît d’autant plus convaincu de la présence et de l’importance des objets révélés par ses impressions que celles-ci sont plus vives et plus fortes, force et vivacité où s’objectiverait l’énergie même de sa foi en elles. Mais, nous le savons, chez l’esprit adulte, à des impressions et à des images extrêmement faibles se joignent souvent des jugements formulés avec une conviction profonde, et, inversement, il lui arrive de voir des couleurs criardes, d’entendre des sons bruyants, qu’il juge n’avoir pas la moindre importance et n’indiquer que des réalités d’un ordre inférieur. Alors, l’intensité de ces sensations semble se présenter comme une propriété qui leur serait inhérente. Cependant, si j’en crois l’explication que Wundt donne de la loi de Weber sur le fameux logarithme des sensations, ce ne serait qu’une trompeuse apparence, et l’intensité d’une sensation exprimerait le nombre de jugements perceptifs, tous pareils, ayant pour objet chacun de ses accroissements successifs qui, d’après cette loi, s’ajoutent simplement les uns aux autres, discontinus et distincts, pendant que l’excitation s’élève avec continuité et suivant une progression géométrique[1]. Wundt

  1. Voir à ce sujet les développements donnés dans les Éléments de psychologie physiologique, traduits en français (1886, Alcan, éditeur), pp. 396 et s., 401 et s.