Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/223

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sur l’horreur sacrée et pour ainsi dire vomitive de l’impur, sur l’attrait en quelque sorte appétissant du pur, elle a pu lutter avec avantage et surprendre le cœur par des miracles d’héroïsme ou de sainteté. Cela se conçoit : la distinction du pur et de l’impur à son fondement dans nos viscères mêmes, dans ce que la vie a de plus essentiel, la nutrition, tandis que la distinction du beau et du laid répond à des besoins de luxe. Par suite, la recherche des moyens de purification est tout autrement anxieuse et angoissante que celle des moyens d’embellissement. L’impureté, c’est la saleté de l’âme[1]. Se sentir l’âme sale, c’est éprouver le désir impérieux d’aller se laver ; à ce désir indicible répondent tous les rites des religions, les ablutions symboliques, la prière, les sacrifices, les sacrements, les processions, toute l’évolution du culte public ou privé. Aurait-on jamais pris tant de peine pour se désenlaidir l’âme ? La répulsion qu’inspire le laid n’est rien auprès de celle que soulève le nauséabond. Elle est d’une tout autre nature et beaucoup moins profonde.


VII

En résumé, toutes les oppositions que nous avons pu découvrir dans le domaine des sensations et des images, — toutes, sauf les oppositions sérielles, qui sont chose à part - nous ont paru s’expliquer, les unes par la nature homogène

  1. Aussi la purification est-elle toujours conçue comme une lessive symbolique. Le baptême en est une preuve.