Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/23

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tion, polarité physique, interférences des ondes entre-heurtées, mouvements inverses des corps célestes qui tombent l’un sur l’autre, des molécules qui se précipitent l’une dans l’autre, des électricités de même nom qui se fuient, des électricités de nom contraire qui s’attirent. Et ce n’est pas tout : symétrie universelle des cristaux, symétrie universelle des formes vivantes, symétrie rayonnante ou bilatérale, presque sans exception d’un bout à l’autre de la vie ; lutte des êtres vivants, concurrence vitale ; antithèse psychologique du plaisir et de la douleur, du oui et du non, de l’amour et de la haine, de la crainte et de l’espoir ; antinomie sociale des croyances qui s’entre-nient, des volontés qui s’entre-combattent, des armées et des partis, des pouvoirs même qui, dit-on, doivent se contrebalancer. Autant de formes — et il y en a bien d’autres, — sous lesquelles se présente à nous cette notion protéiforme que je voudrais essayer de dégager parmi ses miroitements multicolores, souvent confus et trompeurs.

Il n’est pas nécessaire, du reste, de l’avoir analysée, pour pressentir vaguement son importance. Le danger n’est pas tant de la méconnaître que de l’exagérer plutôt sans le vouloir et sans le savoir, peut-être parce qu’on n’a pas assez étudié et généralisé cette idée. Entre la conception du monde, toute polaire et symétrique, que s’en font les peuples enfants (Ormuzd et Ahriman, Dieu et le Diable, etc.) et la conception toute belliqueuse et antinomique à l’usage des darwiniens, il y a cette ressemblance que l’une et l’autre élèvent le rapport d’opposition au rang de clef d’explication suprême, l’une ne voyant au fond de la réalité que la contradiction de deux êtres, l’autre ne voyant au fond de la vie que l’antagonisme de deux