Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/249

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vrai de notre originalité propre, constitue en effet un orgueil égalitaire d’un genre à part, sur lequel la société future devra tendre à s’édifier. Ces orgueils-là, qui, nationaux ou individuels, ne se contrediront point, rendront seuls possibles la pacification et la fédération de l’avenir. — Seulement, on peut se demander comment ce résultat pourra être obtenu si les sociétés continuent à s’assimiler les unes aux autres par la diffusion unilatérale ou mutuelle de leurs exemples, et s’il est vrai que cette assimilation imitative est la condition même de leur progrès en civilisation. Ce n’est pas comme semblables que les individus ou les peuples ont le droit de se croire égaux et de nourrir en eux l’orgueil spécial qui doit cimenter leur lien social ; c’est en tant que divers et divergents. En tant que semblables, les États ne peuvent que sentir la profonde inégalité de leurs ressources, de leurs forces physiques ou morales. La réponse est facile : l’imitation n’est un agent de répétition et d’assimilation qu’au profit d’une variation plus haute et plus profonde. À mesure que ses modèles se multiplient, elle choisit plus librement entre eux, s’affranchit des influences extérieures et se met au service de la personnalité originale, soit individuelle, soit nationale, qu’elle accentue par l’accumulation même et la combinaison de ses similitudes élémentaires et superficielles avec autrui.

En somme, l’opposition de l’orgueil et de l’humilité n’a qu’une vérité théorique ; et, quant à l’opposition, seule pratique, tout autrement importante, de deux orgueils contradictoires qui se rencontrent, elle doit disparaître avec le temps. Ici encore l’opposition joue un rôle secondaire et subordonne.