Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/28

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ajoutée ou plutôt substituée à son opposition fondamentale. Avant d’aimer, il faisait couple avec l’Univers ; maintenant, avec ce qu’il aime. Mais remarquons que l’opposition est ici confondue avec l’adaptation ou, pour mieux dire, avec la co-adaptation ; car il importe de ne pas oublier, comme tant de philosophes et de savants l’ont fait pour escamoter l’idée de finalité tout en l’utilisant, que les êtres soi-disant adaptés l’un à l’autre le sont ensemble en réalité à une fin commune. L’œil n’est nullement adapté à la lumière ni la lumière à l’œil, mais l’un et l’autre sont co-adaptés à la vision. Pareillement, l’amant n’est pas adapté à sa maîtresse, ni elle à lui, mais les deux à l’amour. Au contraire, les êtres ou les états opposés sont vraiment opposés l’un à l’autre.

Le propre des distinctions purement logiques, utiles souvent mais artificielles, est de créer de faux contrastes. Ouvrez une flore arrangée suivant la méthode dichotomique, très commode d’ailleurs. Vous y verrez les plantes polypétales opposées aux plantes monopétales, les feuilles stipulées opposées aux feuilles sans stipules, etc. Ici, ce n’est plus la co-adaptation qui est prise faussement pour l’opposition ; c’est la mutuelle délimitation. Mais ce qui délimite, c’est ce qui confronte et non ce qui contraste. Aussi l’opposition de l’organique et de l’inorganique, ou du moi et du non-moi, est-elle illusoire. Un organisme est simplement circonscrit par l’ensemble du monde ambiant ; il ne peut être pris à partie, contrecarré pour ainsi dire, que par un organisme semblable à lui-même et poussé vers lui par un désir analogue au sien. Pareillement un moi diffère simplement de son non-moi, c’est-à-dire du groupe de sensations objectivées qui détermine