Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/296

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pierre très dure mais gélive. Le désir civilisé s’est à la fois adouci et consolidé.

Une dernière et capitale distinction s’impose. Si indépendants l’un de l’autre que soient la nature d’esprit et le caractère, ils se touchent et cherchent mutuellement à s’employer. C’est tantôt l’un, tantôt l’autre qui l’emporte. Dans un cas, nous avons les théoriciens, qui mettent leur caractère au service de leur esprit ; dans l’autre cas, les hommes pratiques qui mettent leurs croyances au service de leurs désirs. Mais ils ne s’opposent pas, ils se complètent et s’entraident.

À un point de vue différent, il est une autre division dichotomique des types psychologiques qui ne manque pas de vérité et qui, faiblement apparente dans les natures normales, s’accuse en traits d’une netteté frappante dans les asiles d’aliénés : c’est celle des excités et des déprimés, des agités et des mélancoliques[1]. C’est là une opposition des plus profondes, dont l’état zéro est fourni par l’état moyen. Mais il est visible que les termes extrêmes, pas plus ici qu’ailleurs, ne s’équivalent : aux excités, aux actifs, sinon aux agités, appartient le monde.

Ajoutons que les caractères normaux individuels ne sont

  1. Un des meilleurs signes et des plus sûrs de la graphologie est tiré de récrit ure ascendante et descendante : l’ascendante est significative de la gaieté, de l’excitation, de optimisme, de la bienveillance (suivant les cas) ; la descendante de la tristesse, de la dépression, du pessimisme, du dénigrenement (idem). Obseryons en passant que les graphologues, grâce à leur psychologie un peu trop sommaire peut-être, ont échappé, en général, heureusement pour eux, à l’attrait deTidée d’opposition. Elle les a pourtant quelquefois induits en erreur, comme, par exemple, lorsqu’ils ont prétendu voir dans le caractère lâché ou serré de l’écriture le signe certain de la prodigalité ou de l’avarice.