Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/30

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exemple, fût une espèce d’espace ; mais alors l’Espace ne serait point tout l’espace. — Cependant, si l’on vient à songer aux spéculations des méta-géomètres sur l’espace euclidien et sur la possibilité d’espaces courbes qui s’opposeraient à notre espace droit, qui, mieux encore, seraient symétriquement opposables entre eux, peut-être jugera-t-on cette réponse insuffisante. Deux totalités peuvent fort bien s’opposer l’une à l’autre si elles se rattachent ensemble à un genre qui les dépasse et les contient : l’Univers est une hiérarchie de touts partiels. S’il en est ainsi, si les fragments de l’Être universel ne sont point ajustés sans art et sans symétrie, il y aurait une conséquence importante à tirer de l’impuissance où nous sommes d’imaginer une anti-vie, un anti-esprit, etc. Puisque les fragments généraux du monde que nous connaissons ne nous laissent voir aucune trace de symétrie et de cohésion supérieure, ne serait-ce pas la preuve qu’il en est d’autres dérobés à notre savoir, et que, au-delà de la vie, au-delà de l’Esprit individuel ou social, il existe, dans l’immensité stellaire, des sources mystérieuses de phénomènes impénétrables à nos regards et cependant indispensables à l’intelligence complète de ceux qui nous sont connus, dans notre débris du monde bizarre et mutilé que nous prenons faussement pour un tout ? Ainsi comptait Spinoza d’infinis attributs de Dieu, au-delà de la pensée et de l’étendue, seules perceptibles à l’homme.

Mais revenons à l’examen de nos définitions. Ni le sens de mutuel complément ni celui de mutuelle délimitation ne nous paraissent convenir à l’idée d’opposition, qui ne doit être confondue ni avec l’idée d’accord, bien entendu, ni même