Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/316

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I

Si bizarre que puisse être une série de phénomènes, il est toujours loisible d’imaginer leur succession retournée ; si pittoresque que soit un sentier qu’on vient de suivre, on peut supposer qu’on le parcourra en sens inverse. Et même, quand il s’agit des chemins de l’histoire, c’est surtout aux suites capricieuses et irrationnelles de faits qu’il est permis de prêter l’hypothèse de telles rétrogradations. Plus leur trace se régularise et semble se diriger vers un but, moins se montre probable ou concevable même le retour après l’aller. Ils ressemblent alors aux cours d’eau qui ne remontent jamais vers leur source. Le caractère irréversible des faits sociaux en ce qu’ils ont de plus essentiel et de plus important découle de leur caractère logique. Ils sont irréversibles en tant que logiques, ils sont logiques en tant que vraiment et essentiellement sociaux. Mais, si les fleuves ne rétrogradent point, cela ne les empêche point d’avoir des remous partiels ; et il en est de même en histoire, ou le courant de l’évolution se déroule sans contre-courant, mais non sans une multitude de petits tourbillons accidentels et transitoires.

De toutes les œuvres sociales, la plus logique est l’évolution des sciences depuis les premiers balbutiements antiques des mathématiques jusqu’aux ébauches actuelles de la sociologie, en traversant les progrès successifs de l’astronomie, de la physique, de la biologie, de la psychologie. C’est un grand arbre généalogique de découvertes qui se sont succédé dans l’ordre