Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/355

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s’accorde pour régler l’étendue de ce sacrifice, l’échange des connaissances est leur mutuelle addition, non leur mutuelle soustraction, excepté quand elles se contredisent ; mais alors il n’y a pas échange, il y a duel à mort, soit dans le champ clos de l’esprit individuel, soit sur les champs de bataille des luttes de sectes ou de partis et des guerres religieuses. Or, tandis que le progrès des richesses consiste à multiplier leurs échanges coûteux, le progrès des lumières consiste à raréfier ces duels dont je parle, autant qu’à multiplier les vérités échangeables gratuitement, susceptibles de s’additionner ensemble sans contradiction. Par vérité, on entend cet accord des connaissances entre elles, comme par utilité et valeur on entend l’adaptation des produits les uns aux autres - les uns aux autres, grâce à leur échange qui fait que chacun d’eux est approprié non seulement au besoin correspondant mais encore, en un sens différent, à tous les autres produits contre lesquels il s’échange. — À certains égards, cependant, il est vrai de dire que l’individu, entre deux hypothèses partiellement contradictoires, après une hésitation pacifique, comparable à un marchandage, opte souvent, échange l’une d’elles contre l’autre en renonçant à celle-ci ; et, même quand deux idées ne se contredisent en rien, ne sommes-nous pas obliges pour penser l’une de renoncer momentanément à penser l’autre, et, par conséquent, d’évaluer leur importance relative ? Oui, mais ce sont là des hésitations et des immolations tout individuelles, qui ne requièrent qu’un mètre tout individuel de la vérité, de la valeur intellectuelle, des idées. Si l’on ne pouvait apprendre d’autrui une connaissance nouvelle qu’à la condition d’en