Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/405

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bon vieux temps de la chevalerie, quand on se fracassait tout le jour les armures, presque sans mort d’homme. Mais aujourd’hui quelle boucherie atroce !

La guerre, même au milieu de la sauvagerie la plus stupide, ne serait jamais née si elle eût été, à ses débuts, aussi absurde que maintenant. Sa folie a grandi avec ses proportions. Aussi a-t-elle commencé par avoir une raison d’être à l’origine, et, c’est cette raison d’être qu’il convient de chercher pour voir si, à cette lointaine époque même, elle était inévitable, absolument nécessaire au progrès humain. Si, en effet, elle l’a été alors, cela suffit pour sa justification, même présente.

Trois thèses sont possibles : 1˚ le progrès humain, dès l’origine, pouvait s’opérer sans la guerre ; 2˚ la guerre a été nécessaire pendant les premiers stades du progrès humain, mais elle est destinée à être remplacée, nuisible ou inutile à présent, par d’autres formes de la lutte (Novicow) ou par les diverses formes de l’alliance ; 3˚ la guerre a toujours été, est encore et sera toujours nécessaire Joseph de Maistre, Proudhon, le Dr Le Bon). Aux esprits modérés semble sourire la solution éclectique, la seconde. La troisième plaît mieux, malgré son horreur, aux radicaux, conservateurs ou révolutionnaires, mystiques ou darwiniens ; la première, quoique radicale aussi, n’attire personne, ou presque personne, parmi les penseurs, en raison de son apparence idyllique. On aime encore mieux avoir l’air féroce qu’innocent. Pourtant, c’est à cette opinion ingénue que je me range, après réflexion. Mais je conviens qu’en général la guerre a porté malheur à ses détracteurs, écrivains assez médiocres, tandis qu’elle a heureusement