Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/63

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et de la Dissolution, du devenir et de l’évanouissement, rythme tragique de l’existence, il importe de distinguer, comme nous venons de le faire, l’inversion sérielle des qualités substituées et l’inversion quantitative des degrés d’accroissement ou de décroissement. La première ne se produit jamais normalement dans la nature ; on ne voit point le cadavre d’un homme rétrograder jusqu’à l’ovule initial, le fruit redevenir fleur, le papillon chrysalide ; mais on voit les forces, les vitesses, les dimensions même de tous les êtres, diminuer dans leur vieillesse après avoir augmenté jusqu’à leur maturité. Il y a là un contraste très net entre le rôle des qualités et celui des quantités dans l’univers. Cependant elles sont inséparables.

Remontons à l’origine, déjà indiquée, des idées d’augmentation et de diminution. Nous ne pouvons la trouver, avons-nous dit, que dans le discernement intime du fait d’acquérir et du fait de perdre. Mais la condition sine qua non de l’acquisition, de la possession véritable, c’est le besoin. Un être sans besoin, hypothèse qui implique contradiction d’ailleurs, serait dans l’impossibilité de se sentir accru ou diminué en quoi que ce soit au cours de ses perceptions successives. Le besoin suppose un manque, un complément de l’être à chercher, un type prédéterminé à réaliser, sciemment ou non. Toute quantité suppose donc un idéal ; j’entends un idéal précis, quoique changeant lui-même dans de certaines limites, et modifié durant le changement réel comme le plan d’un tacticien durant le feu de l’action. Par suite, si l’on se représente une ligne droite se traçant dans l’espace vide, sans nul lien avec d’autres lignes, sans nulle longueur précise à