Page:Tarsot - Fabliaux et Contes du Moyen Âge 1913.djvu/16

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tané des événements de la veille. Ils s’en passaient, voilà tout. Il n’y a pas si longtemps que nous nous en passions — et nous ne nous en portions pas plus mal. J’ajoute, concession dernière aux détracteurs du passé, qu’ils n’avaient pas, nos chers aïeux, beaucoup de livres à leur disposition et que même un grand nombre d’entre eux avaient oublié d’apprendre à lire…

Voilà des gens, allez-vous me dire, qui vivaient bien tristement. Ne pas voyager ! Ne pas recevoir de journaux ! Ne pas lire ! Alors, à quoi pensaient-ils ? De quoi causaient-ils ? Mais n’avez-vous donc jamais entendu parler des veillées ? Quand arrivait le soir, quand on ne pouvait plus s’occuper de la boutique, du jardin ou des champs et qu’on avait mangé la soupe, ce mets national de la vieille France, vieux et jeunes, garçons et filles, maîtres et valets, se réunissaient pour la veillée ; chacun offrait l’hospitalité à son tour et fournissait le feu et la chandelle fumeuse. On se serrait autour de l’âtre, les femmes filaient, les hommes se reposaient, tous écoutaient et racontaient tour à tour les histoires, contes, légendes, fables, récits de voleurs et de revenants, aventures de chevalerie qu’ils avaient entendu raconter à leurs aïeux et dont ils n’étaient jamais rassasiés. Chacun y ajoutait un détail, une variante. On riait, on frissonnait aux mêmes endroits. Et le temps passait sans ennui, et l’on se séparait avec le désir de se réunir le lendemain.

Dans les châteaux, dans ces vieux châteaux ceints de tours et couronnés de créneaux que vous aimez tant, on veillait comme dans les chaumières et dans les arrière-boutiques. La veillée se passait dans la grande salle aux voûtes de pierre, autour de la vaste cheminée