Page:Tarsot - Fabliaux et Contes du Moyen Âge 1913.djvu/98

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l’avertir. Guillaume avait passé la nuit dans les larmes. Ses gens, véritablement affligés parce qu’ils l’aimaient, n’avaient pas voulu se coucher plus que lui. De temps en temps ils allaient sans bruit écouter à sa porte, dans l’espoir que peut-être sa douleur s’allégerait ; mais l’entendant toujours soupirer et gémir, ils revenaient pleurer ensemble. Cependant, des qu’il sut qu’une femme était à sa porte, par courtoisie il alla au-devant d’elle et fit baisser le pont-levis.

O joie inespérée ! O bonheur ! il voit sa mie. Elle s’élance dans ses bras, en criant : « Sauvez-moi » ; et en même temps elle le serrait avec les siens de toutes ses forces, et regardait derrière elle d’un air d’effroi, comme si réellement des ravisseurs l’eussent poursuivie.

« Rassurez-vous, s’écrie-t-il, rassurez-vous, je vous tiens et il n’y a personne sur la terre qui puisse désormais vous arracher à moi. » Alors il appelle ses gens, leur donne différents ordres, et fait lever le pont. Mais ce n’est pas assez ; pour être parfaitement heureux, il faut qu’il soit l’époux de Nina ; il la conduit donc à sa chapelle, et, mandant son chapelain, lui ordonne de les marier ensemble. Alors la joie rentra dans le château ; maîtres et domestiques, tous paraissaient également enivrés de plaisir ; et jamais à tant de chagrin ne succédèrent aussi promptement des transports de joie aussi vifs.

Il n’en était pas ainsi à Médot. Tout le monde y était arrive excepté la demoiselle et son gardien. Mais on avait beau se demander ce qu’ils étaient devenus, personne ne pouvait l’apprendre. Enfin ce gardien parut, toujours dormant sur son cheval ; et