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GUY DE MAUPASSANT

tinée au Gaulois, et une nouvelle qui lui est subitement venue à l’idée.

Il me dit : « Je l’ai absolument toute, debout dans l’esprit. » De fait, il l’écrit en quatre jours ; elle remplissait soixante-douze pages de papier écolier, et pas une rature. Lorsqu’elle fut finie, mon maître la fit copier, car il voulait garder le manuscrit.

Pendant ce travail, la jeune Pussy était montée sur le bureau de mon maître. En quelques coups de crayon, il prit sa silhouette : « Vous voyez, me dit-il, cette petite Pussy-là. Eh bien, j’aurai de la peine à l’habituer à rester sur ma table de travail aussi tranquillement que sa mère. Elle a un tempérament beaucoup plus sensible, plus chat, le bruit de ma plume courant sur le papier trouble son repos ; toujours elle garde l’attitude que vous lui voyez là, prête à venir donner son léger coup de patte sur ma plume qui grince un peu. Si mon fournisseur ordinaire a du papier plus glacé, vous pourrez le prendre de préférence… »

La société habituelle de mon maître est arrivée ici en partie et l’après-midi on joue au tennis. De 6 à 7 heures, Monsieur fait des armes dans le jardin ; il préfère le grand air à sa salle d’armes.

À peu près tous les jours, on dîne à la Guillette ; le soir, on fait des projections d’ombres chinoises ou l’on joue des comédies. Le nouveau salon, réuni à l’ancienne salle à manger, se prête tout à fait à ces sortes de divertissements.

Un matin, comme j’arrivais du jardin avec mon tablier plein de haricots verts, je trouve mon maître à la cuisine, regardant sa carte céleste, et, cette fois, il est de méchante humeur. Il me dit sur un ton bref : « François,