Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/203

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je vous prie de faire attention et de fermer toutes les fenêtres de la maison avant la tombée du jour. Cette nuit, j’ai à peine dormi, j’ai essayé les lits de toutes les chambres, et il y avait des araignées dans toutes. J’éprouve pour ces bêtes une grande répulsion, je ne puis m’expliquer pourquoi, mais je les ai en horreur. Ces vilaines bêtes montent le long des balcons et arrivent ainsi aux fenêtres. Fermez donc avant la nuit, je vous en prie. »

Dans le courant de l’après-midi qui suivit cette mauvaise nuit, Monsieur me demanda de monter au premier avec deux lampes allumées. Il avait tout fermé, fenêtres et volets ; il faisait partout nuit noire. Nous commençons la chasse aux araignées ; nous passons d’abord en revue trois chambres, où nous ne trouvons que quelques petites bêtes aux longues pattes minces qui portent un petit corps, et qui sont absolument inoffensives. Elles passèrent tout de même de vie à trépas. Ensuite, nous nous rendîmes dans la chambre bleue, réservée aux amis. Monsieur plaça d’abord une lampe dans chaque coin du côté de la fenêtre, puis il remua les rideaux ; cette fois, on vit s’échapper deux fortes araignées, qui vite se réfugièrent derrière la glace de la cheminée.

Je proposai de retirer cette glace qui n’était pas grande. Mais mon maître s’y refusa : « Non, non, je craindrais qu’il n’arrivât quelque accident au fronton de cette glace qui, d’après ce que m’a dit ma mère, est l’œuvre d’un mystique, et qui représente les armes des Lepoitevin, s’ils avaient porté leurs titres de noblesse. »

En effet, ce fronton était fragile et délicat. On voyait dans le bas deux lances qui supportaient plusieurs vases vides de fleurs paraissant manquer un peu d’aplomb. Ces vases était surmontés de deux amours marchant avec une peine visible sur le tranchant des glaives ; ils